Les collectivités locales dans le viseur

Depuis la fin des années 70, la France dépense plus qu’elle ne gagne. Il y a là, de toute évidence, une responsabilité collective. Mais depuis quelques mois, à la politique de l’autruche, a succédé la politique de l’incohérence. Nos déficits explosent au point que l’endettement de notre pays dépasse désormais les 2 000 milliards d’euros. De -4,3 % de PIB de déficits publics en 2013 (au lieu de -3 % promis) nous voilà rendus à -4,4 % en 2014 en lieu et place des -2,2 % envisagés.

Tout part à vau l’eau parce que la récession nous guette, parce que les dépenses publiques ne baissent pas, parce que les recettes fiscales chutent, trop d’impôts tuant l’impôt.

Et quand il n’y a pas de pilote dans l’avion, on perd le cap, la panique s’installe : après avoir matraqué les français d’impôts, amputé la politique familiale, augmenté la T.V.A., supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires (mesure o combien anti-économique et anti-sociale), raboté les emplois à domicile…, les responsables en place ont trouvé un nouveau bouc émissaire : les collectivités locales.

Le gouvernement a en effet affiché son intention louable de rétablir l’équilibre budgétaire structurel de la France à l’horizon 2017. Il a ainsi annoncé qu’un effort de 50 milliards d’euros devrait être réalisé d’ici cette date, cet effort s’ajoutant à ceux déjà intégrés au budget 2014 et aux engagements pris pour 2015.

Le niveau de pression fiscale étant jugé à son maximum tant en termes de compétitivité pour les entreprises que d’acceptabilité pour les ménages (ouf !!), il a été décidé que sur ces 50 milliards, les collectivités locales seraient mises à contribution à hauteur de 11 milliards d’euros via une baisse des dotations qu’elles perçoivent, principalement la dotation globale de fonctionnement (D.G.F.).

Tous les élus savent bien évidemment que la France traverse une période difficile, que les finances publiques sont mal en point, que chacun doit être appelé à faire des efforts. Là n’est pas la question.Ce qu’il est à craindre c’est qu’en taillant à la serpe les dotations aux collectivités, le gouvernement ne provoque une crise d’une toute autre ampleur, à la fois économique, sociale, politique, psychologique mais aussi morale.

De manière unanime et toutes opinions politiques confondues, les associations représentants les diverses collectivités locales de France ont tiré la sonnette d’alarme : sur la période 2014-2017, baisser les dotations aux collectivités de 17 milliards d’euros c’est jouer avec le feu et engager la politique du pire.

C’est tout d’abord incohérent parce que les collectivités ont réalisé depuis 30 ans ce qu’on attendait d’elles : infrastructures, équipements, services aux habitants. C’est en outre arbitraire et démagogique parce que les dotations de l’Etat que l’on veut drastiquement diminuer ne correspondent à rien d’autre qu’à des compensations d’impôts supprimés, à des transferts de charges consécutifs à des transferts de compétences.C’est également disproportionné parce que le secteur local connaît depuis plusieurs années une diminution de ses recettes.C’est enfin insupportable parce que les collectivités locales n’ont pas de « trésor caché » dans lequel puiser pour compenser ces pertes lourdes. Chacun doit en prendre conscience, il s’agit là d’un coup de massue sans précédent pour les finances locales.Pour la Région Aquitaine cela correspond à une perte de recettes de plus de 20 millions d’euros. Pour la ville de Bordeaux, moins 10 millions d’euros.

La ville de Sarlat aura vu en 2014 sa dotation globale de fonctionnement baisser de 152 000 euros. En 2015, 2016 et 2017 ce sera entre moins 350 000 et moins 400 000 euros par an. Soit, sur la période, une perte de recettes de plus de 1,2 million d’euros…

Ceci, alors même que les collectivités locales ont déjà encaissé l’augmentation du taux des cotisations retraite des agents, l’augmentation des taux de T.V.A., la réforme des rythmes scolaires ou encore l’augmentation des tarifs des énergies (électricité, gaz, essence).

Comment faire face à l’impossible. Si la diminution des dotations est confirmée, les collectivités sont condamnées à réduire les services à la population, les subventions aux associations et les investissements. Or, il faut le savoir, les collectivités locales assurent 71 % des investissements du bloc civil et 45 % du chiffre d’affaires du secteur public. Moins d’investissement, c’est moins d’activité économique et moins d’emploi sur nos territoires.

Il est une autre solution ! Augmenter les impôts locaux pour compenser l’intégralité des pertes de recettes. Là encore ce serait double peine pour les foyers fiscaux déjà pris à la gorge.

Les Régions, Départements, communes, Communautés de communes doivent-ils fermer des gymnases, laisser les réseaux routiers se dégrader, supprimer des transports en commun, diminuer leurs subventions à la culture ou au sport … ? Ou doivent-ils augmenter les impôts de 5 %, 10 % voire 15 % ??

Les collectivités locales, les élus de toutes sensibilités, ont conscience de la nécessité impérieuse de rétablir les comptes de l’Etat.Mais, comme cela peut-être vrai également pour la réforme territoriale, faisons-le ensemble, prenons le temps de la concertation, ayons un vrai dialogue.

L’Etat doit rompre avec cette culture de la défiance et des décisions unilatérales.

Franck Duval.article paru dans l’essor sarladais du 30/10/2014.

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